Compagnons du ciel, 2019
Traces d'ailes de canaris laissées pendant leur envol sur de la suie de cierges du Donbass, vitraux, métal, carton
Avertissement du coup de grizou
« Un corps dans l’espace. Et le poème, aussi évident que ce corps. Dans l’espace : C’est-à-dire dans ce vide, ce nulle part entre ciel et terre, redécouvert à chaque pas que l’on fait. Car où que nous soyons, le monde n’est pas. Et où que nous allions, nous nous succédons nous-même.(...) bien que le corps se déplace interminablement à travers cet espace, comme avec l’espoir de l’abolir (...) une destination à jamais inaccessible et, à la fin, ce mouvement deviendra but, de sorte que chaque aller en avant constituera une façon d’être dans le monde.» Paul Auster, L’art de la faim
Lorsque l’artiste conçoit cette pièce, il est habité par ses périples au détour du Donbass ukrainien et de ses zones de conflits. Les monochromes de suie ont été réalisés à l’aide de cierges que l’artiste a pu récupérer d’un côté de la ligne de front en Ukraine, l’autre partie des cierges étant envoyés par son ami reporter de guerre depuis l’autre côté de cette même ligne. Ces oeuvres font référence au rituel orthodoxe qui consiste à allumer un cierge pour les vivants et un autre pour les morts. Dans ce contexte, le monde des morts représente le territoire disparu car devenu inaccessible. L’artiste propose d’y introduire des canaris, ceux-là même qui accompagnaient les gueules noires dans les mines de charbon au XIXe siècle afin de les prévenir de la présence de gaz. En concevant une structure interne à l’œuvre composée d’une cage à oiseaux, les volatiles se déplaceront dans l’espace de l’œuvre, d’un côté et de l’autre et ainsi les traces d’ailes révèlent la transparence du verre comme pour suggérer l’écriture d’un récit.
Figure d’envol et de chute, l’oiseau est à la fois le présage d’un malheur imminent et l’accompagnateur bienveillant du voyageur d’un temps. En acceptant cette double signification de l’oiseau, L’artiste en adopte l’ambivalence pour interroger les espaces qu’il met en scène.
La collaboration de l’artiste avec l’oiseau, vise à appréhender les espaces terrestres de con its géopolitiques à travers le monde. En mobilisant des forces physiques, alchimiques quasi géologiques, Renouer avec le ciel traduit cette position de basculement ; de l’enfermement au déplacement, de la liberté à l’oppression ou inversement. Les stigmates indélébiles de l’œuvre laissent entrevoir des chemins réflexifs escamotables propices à reconsidérer notre futur dans son état d’instabilité.
Brenda Jouys